mercredi 24 juillet 2013

Le fantôme d'Edna Lieberman


















"Toutes tes amours perdues
te rendent visite à l'heure la plus sombre.
Le chemin de terre qui menait à l'asile
se déploie de nouveau comme les yeux
d'Edna Lieberman,
comme seuls ses yeux pouvaient
s'élever par-dessus les villes,
et briller.
Et ils brillent de nouveau pour toi
les yeux d'Edna
derrière le cercle de feu
qui auparavant était le chemin de terre,
le chantier que tu as parcouru la nuit
aller et retour
encore et encore,
à sa recherche ou peut-être
à la recherche de ton ombre.
Et tu t'éveilles silencieusement
et les yeux d'Edna
sont là.
Entre la lune et le cercle de feu,
lisant ses poètes mexicains
préférés.
Et Gilberto Owen,
tu l'as lu?
disent tes lèvres silencieuses,
dit ta respiration
et ton sang qui circule
comme la lumière d'un phare.
Mais ses yeux sont le phare
qui transperce ton silence.
Ses yeux sont comme le livre
de géographie idéal :
les cartes du cauchemar pur.
Et ton sang éclaire
les étagères de livres, les chaises
sous les livres, le sol
couvert de livres empilés.
Mais c'est toi seul que recherchent
les yeux d'Edna.
Ses yeux sont le livre
le plus recherché.
Tu l'as compris
trop tard, mais
qu'importe.
Dans le rêve tu étreins
de nouveau ses mains,
et tu ne demandes plus rien".

Roberto Bolano, Les chiens romantiques, Christian Bourgois, p. 38-39.


Pix : Yusuf Sevinçli.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...