Mais, bon Dieu ! Pourquoi avoir préféré rebaptiser ce giallo Torso plutôt que de traduire mot à mot son titre original, Les Corps Présentent des Traces de Violences Charnelles ?
Torso est tout simplement la matrice des futurs slashers avec son tueur psychosexuel masqué qui découpe des petites étudiantes en mini jupes parties en week-end à la campagne. En épurant sa trame "giallesque", le très coquin Sergio Martino signe un film plus frontal que son Lo Strano Vizio della Signora Wardhmais, revers de la médaille, nettement moins tordu.
Le soundtrack signé des frères De Angelis est de bonne facture, de trop bonne facture, il manque de ce je-ne-sais-quoi qui ferait la différence.
Se mater Amer c'est un peu comme s'enfiler en un seul shoot tous les Gialli transalpins existants !
Hélène Cattet et Bruno Forzani sursaturent leur premier film de codes propre au Giallo, tant dans l'imagerie fétichiste (gants de cuir, rasoir, femme fatale...) que dans l'ultra-stylisation de la mise en scène, jusqu'à l'écoeurement pour aboutir finalement à un résultat fascinant et proche de l'expérimental.
Cet exercice de style pourrait être autant indigent qu'indigeste dans sa geste référentielle (Suspiria, Le Venin de la Peur, L'étrange Vice de Madame Wardh... la liste est trop longue pour être dressée) mais se révèle étonnamment personnel. Les réalisateurs ont pour cela fait le choix de laisser de côté toute trame policière pour se concentrer sur 3 instants de la vie de leur héroïne, enfant, adolescente et adulte, où elle doit se confronter à ses peurs toutes liées à la sexualité, sa découverte, son désir naissant et ses fantasmes morbides. Amer est bien une enquête mais une enquête charnelle sur la psyché d'Anna.
Choc rétinien hallucinant, Amer bénéficie en plus d'un énorme travail sur le son pour finir d'en faire une expérience purement sensorielle rare.
Pour le soundtrack, les deux réalisateurs ont choisi de rendre hommage à la musique de l'époque en choisissant des titres d' Ennio Morricone, Bruno Nicolai, Stelvio Cipriani et Adriano Celentano.
Hélène Cattet & Bruno Forzani : Amer (Wildside, 2010)
Du Coil avant l'heure, 1974, et produit par Klaus Schulze. Tout simplement indispensable !
Ressorti au milieu des années 90 sur UnitedDurtro, le label de Current 93 et Nurse With Wound, Golem était introuvable depuis. Ce trésor caché du krautrock signé Sand vient d'être réédité par Rotorelief. Il va falloir garder un oeil sur ce label qui a prévu de ressortir une série de disques liés à ces teutons, 5 du groupe et 2 autres signés Current 93 et Nurse With Wound
Golem est élu direct "meilleure réédition de 2010 " !
Désolé mais je vais en remettre une couche avec Lucio Fulci en vous parlant de cette sorte de Mon Giallo chez les Ploucos. La Longue Nuit de l'Exorcisme date de 1972 mais n'est sorti chez nous qu'en 1978. Son titre français est une pure aberration et a dû être choisi uniquement pour surfer sur la vague de L'Exorciste. On oubliera aussi une édition en VHS sous l'appelation Fureur Meurtrière !
Son titre original, Non si Sevizia un Paperino, que l'on traduira par "ne torturez pas le caneton" (si ! si ! c'est pour de vrai ! et le pire c'est que, en plus d'être poétiquement décalé, ce titre est tout à fait approprié au film), s'inscrit dans la tradition du titrage des giallos, Quatres Mouches de Velours gris, La Queue du Scorpion, La Tarentule au Ventre Noir etc.
Pourtant, Fulci se démarque d'emblée de cette tradition en inscrivant son histoire à la campagne alors que le giallo a généralement pour cadre un milieu urbain ,ceci dit le réalisateur voulait tourner à Turin mais son producteur lui a imposé ce village du sud. De plus, les victimes ne sont pas des jeunes filles en fleur mais des gamins. Voilà, en deux mots pour les puristes ! Mais, en fait, le film est vraiment intéressant pour la vision désenchantée que le réalisateur porte sur la vie rurale du bled perdu de la Sicile où se déroule l'action, avec des personnages typiques comme l'idiot du village, la jeune effrontée (la charmante Barbara Bouchet), le commissaire qui ferme les yeux sur tout, le couple de sorciers qui vit à l'écart dans les montagnes et le curé bien aimant.
Dans un style presque documentaire, Fulci, bien plus sobre qu'à l'accoutumée dans sa mise en scène ,installe une ambiance malsaine dans la description des moeurs de ce village replié sur lui-même où tout le monde devient suspect. Les villageois sont des culs bénis mais n'acceptent pas la différence. Il montre aussi assez habilement l'insurmontable décalage entre gens de la campagne et citadins, en ne prenant parti ni pour les uns ni pour les autres, conservant toujours un regard dès plus pessimiste sur le genre humain. J'ajouterai enfin, attention spoiler, que le film est une virulente charge anti-cléricale, avec la pédophilie comme thème sous-jacent mais bien présent.
Si les amateurs de gore n'auront pas leur dose d'hémoglobine, on ne voit effectivement pas grand chose des meurtres (des strangulations et des noyades, donc rien de bien excitant de toutes façons !), La Longue Nuit de l'Exorcisme contient au moins 2 scènes cultes : la première est une scène explicitement pédophile (encore !) avec une femme pour coupable, la seconde est une sublime, je ne sais pas si c'est le bon terme, scène de lapidation, qui utilise merveilleusement la musique en contrepoint, où une femme se fait lyncher par 3 hommes avec de la variété s'échappant d'une radio en fond sonore, quand je vous dis que Tarantino n'est qu'un sucker !
Au final, La Longue Nuit de l'Exorcisme est sûrement Le film de Fulci le plus "cinéphiliquement" crédible. Il faudrait d'ailleurs le faire voir à ceux qui pensent que Fulci n'est qu'un tâcheron du cinéma bis italien pour leur prouver qu'il vaut un peu plus que ça. Les fans les plus lucides, quant à eux, reconnaîtront à sa vision que Fulci a peut être gâché un peu de son talent de cinéaste en s'abandonnant trop facilement dans la débauche gore à partir de la fin des 70's.
En 1971, avec la sortie de Una Lucertola con la Pelle di Donna (le titre original), Lucio Fulci connut déjà de sérieux problèmes avec la censure italienne qui l'accusa d'avoir torturé de vrais animaux dans la fameuse scène des chiens éviscérés dans le laboratoire. Pour prouver son innocence, Carlo Rambaldi, chargé des effets spéciaux, sera contraint de reproduire les maquillages devant le tribunal.
Sorti en France sous le titre de Carole en 1971, ce film connaîtra 2 autres sorties en 1976, l'une sous le titre du Venin de la Peur pour le circuit normal et l'autre sous le titre Les Salopes Vont en Enfer pour le circuit... je vous laisse deviner ! Cette dernière version comprenant des inserts pornos ! Des K7 VHS auraient été commercialisées au début des années 80, avis aux amateurs !
Tout ça pour vous dire que ce giallo première période mérite bien son statut de film culte. Comme beaucoup d'entre nous, j'imagine, j'ai découvert ce film il y a une quinzaine d'années quand on s'est soudainement plonger dans les profondeurs abyssales de la discographie de Morricone. La partition composée pour Una Lucertola con la Pelle di Donna est considérée, à juste titre, comme l'une de ses plus abouties, alliant à merveille mélodies et dissonances, cordes et synthés (on est en 71 !).
Lucio Fulci signe ici un film à la fois très personnel et très audacieux tant dans la forme (split screen, gros plans, angles distordus...) que dans le fond (les fantasmes saphiques d'une bourgeoise qui s'ennuie sévère dans son bel appartement !). Il mêle ainsi d'une main de maître onirisme (les 20 premières minutes sont tout bonnement hallucinantes !), érotisme et meurtres, le tout avec un goût déjà prononcé pour les ambiances sérieusement morbides.
Si comme moi vous êtes prêt à tout pour plaire à votre patron - normal ! - alors vous allez adorer Une Etrange Affaire.
Au casting Michel Piccoli, au top comme toujours et un peu plus encore ici, Gérard Lanvin, Nathalie Baye,tous les deux parfaits, et deux seconds rôles tout bonnement hallucinants, Jean-François Balmer et Jean-Pierre Kalfon.
Du cinéma populaire grinçant et "malaisant" comme on n'en fera sûrement plus jamais !
Alors là, on est face à l'un des films les plus fous qu'il m'ait été donné de voir depuis...depuis quand d'ailleurs ?
De quoi s'agit-il ? Imaginez un Burt Lancaster vieillissant se baladant tout le long du film, je dis bien tout le long, en maillot de bain pour la simple et bonne raison qu'il s'est mis en tête de "swimming home", comprendre rentrer chez lui à la nage en traversant toutes les piscines du comté, celles des Graham, des Lear, des Bunker, des Halloran, des Gillmartin etc. Il décide d'appeler cette traversée la rivière Lucinda, du nom de sa femme !
Autour de ces piscines, c'est évidemment une ambiance lounge, très The Party, que vient déranger notre swimmer. Frank Perry livre alors une vision acide de la société de consommation à son apogée (les piscines dans tous les jardins !), de cette bourgeoisie américaine, mesquine et sans rêve, et de son bonheur superficiel qui n'est peut être pas éternel.
Cette plongée dans l'âme blessée de ce nageur débute comme un conte naïf, et surréaliste (la scène des sauts d'obstacles ou celle avec l'enfant dans la piscine vide), mais devient au fil de l'eau de plus en plus profondément mélancolique, le film s'ouvrant de manière féérique (la nature, les animaux et notre apollon en moule bite qui surgit de là) pour se refermer de façon, attention spoiler, cauchemardesque.
Dans un journal autrefois influent, on décrivait The Swimmer comme "l'un des films les plus étranges de toute l'histoire du cinéma".
Culte (un mot que je n'utilise pas trop mais qui pour une fois se justifie pleinement).
Sur Oversteps, Sean Booth et Rob Brown ont enregistré "le chant des machines", des machines égarées pleurant jour et nuit leur planète à jamais perdue.
Si on a du mal à imaginer que cette musique soit en réalité réalisée par des êtres faits de chair et de sang, d'un autre côté, on se demande si des machines pourraient produire une musique aussi mélancolique.
Oversteps est donc le disque le plus touchant d'Autechre et, du coup, sûrement leur meilleur à ce jour.
Le premier chef-d'oeuvre de cette nouvelle décennie.