(Blanquet par Lolmède)
A l’occasion de l’exposition United Dead Artists, 400 dessins à vif, organisée par Arts Factory (j’ai fait une demande au Ministère de la Culture pour qu’on leur remette la Légion d’Honneur), qui ouvre ce vendredi (le vernissage a lieu demain à 16h), j’ai demandé à Blanquet s’il voulait bien répondre par mail à quelques petites questions concernant son travail d’éditeur. Il a accepté.
Trop content, d’autant plus qu’il y a peu d’interviews de lui, je n’ai pas pu faire autrement que de téléphoner immédiatement à mon Vidal, fan hardcore qui m’a plongé dans l’univers de Blanquet, pour lui demander s’il avait de son côté des questions à lui poser. Du coup, tout ça a pris la forme d’une interview fleuve (du moins à mon échelle !).
Pour illustrer ce post, j’ai contacté Lolmède afin qu’il me dessine le portrait de Blanquet, c’était le mieux placé à mon sens vu qu’ils sont potes depuis la première heure. Lolmède m’a répondu qu’il allait falloir se montrer astucieux car “il n’aime pas trop qu’on voit sa gueule”.
Sur ma lancée, j’ai aussi demandé à Aleksandra Waliszewska, dont le récent The Horse With No Name Is a Horse With No Shame n’en finit pas de me hanter, de me livrer sa vision de la maison United Dead Artists.
Deux dessins en forme de remerciement à Blanquet, premièrement, pour avoir pris le temps de répondre à nos questions et, deuxièmement, pour “tous ses cauchemars de gosse pas vraiment soldés” (©Vidal) qu’il couche sur papier.
(United Dead Artist par Aleksandra Waliszewska)
- Alors on fête quoi avec cette grande exposition United Dead Artists ?
C’est la fête des morts, ornements de dessins, peintures et traits, fleurs en papier de boucher.
- Comment définirais-tu ton Internationale des dessinateurs ?
C’est un kiosque dans une maison close.
- S’il fallait trouver un seul point commun aux 69 dessinateurs que tu as invités pour cette expo, ce serait quoi ?
Le plaisir de dessiner, de faire une image plus ou moins
tordue, plus ou moins offensive, onirique, jetée ou bancale, léchée ou
grotesque, qui raconte ou pas. Le plaisir de dessiner avant tout.
- Pourquoi avoir choisi un nom anglais pour ta maison d’édition alors que ce n’est pas forcément un point d’entrée dans l’univers de Blanquet habituellement ? C’est l’idée d’un business « perverti », un hommage à la boîte de prod’ de D.W Giffiths et Charlie Chaplin ?
J’avais fait il y a très longtemps une couverture de
magazine où j’avais placé une fausse étiquette, tamponnée United Dead
Artists , un évident clin d’œil crevé a la boite de prod’ !
- Comment fonctionne United Dead Artists, tu n’es quand même pas seul aux commandes de l’Enterprise ?
Je contacte les dessinateurs et les use moi-même. Je
pré-maquette et règle toutes les images une à une. Puis une maquettiste
cimente le tout. Je gère l’imprimeur. Je ne m’occupe plus de la
distribution, ni vpc, ni librairies.
- Comment chines-tu aux quatre coins du monde les dessinateurs que tu publies ? C’est toi qui les sollicites ou c’est eux qui viennent vers toi ? Tu es seul a décider de la ligne éditoriale ou tes collaborateurs peuvent dire leur mot ?
J’ai un peigne très fin et je ratisse. Je récolte la crème,
la ténébreuse. On me propose aussi beaucoup, de plus en plus, c’est
aussi enrichissant. Je décide de tout, de où doit aller le navire.
- Comment distingue t-on chez United Dead Artists un bon dessin d’un mauvais sachant que, au moins pour le néophyte, parmi tes invités il y’en a qui dessinent bien (Namio Harakuwa) et d’autres un peu moins (Mike Diana) ?
Un bon dessin est un bon dessin. Pour beaucoup Basquiat ne
sais pas dessiner. Un dessin brut ou un dessin plus soigné doit dégager
quelque chose, ils ont la même valeur.
- J’me trompe peut être mais Topor est le seul véritable dead artist du catalogue, dans tes rêves ou tes cauchemars les plus fous il y’en a un autre que tu voudrais absolument publier ?
Rory Hayes aussi ! (Nan mais quel con, comment ai-je pu oublier Rory Hayes?! The Dolls Weekly and the Crawlee Things étant sûrement mon livre préféré de l’année, toutes catégories confondues !)
Il y a un dessinateur inconnu japonais d’après guerre,
pornographe somptueux, obscène, que j’aimerai éditer. Je cherche à faire
ce livre par exemple.
- Quel livre a été le plus difficile à produire ?
Peut être le livre de Nemoto, livre futur proche : travail
de traduction minutieux, lettrage sur la moindre étiquette, travail de
folie, surtout après avoir perdu deux fois tout ce travail à cause d’un
crash de disque dur.
- Quel est le best-seller de la maison ?
Le livre de Namio Harukawa, une découverte pour beaucoup de monde !
- As-tu déjà rencontré des problèmes avec une quelconque censure ?
Parfois ! Pour le Berquet, par exemple, le relieur n’a pas aimé les photos de pisseuses.
- Au final comment définis-tu ton rôle à travers United Dead Artists : éditeur insoumis, mécène fauché ou juste simple fan des gens que tu publies ? Et qu’est-ce qui te déplaît le plus dans ce rôle d’éditeur ?
J’aime diffuser des images, m’esquinter à diffuser la bonne parole et le bon œil, surtout avec le tabloïd La Tranchée Racine. Je
reviens a mon plaisir pour le journal, la pelure. On revient a cette
idée de kiosque populaire. Trouver de belles images fortes pour peu
cher, quelques pièces pour un trésor ! Je crois à ça.
- Ces dernières années, la concurrence s’est énormément développée, tout le monde (n’importe qui ?) sort son ‘zine aujourd’hui, tu trouves ça plutôt positif ou tu penses qu’il y a beaucoup trop de déchets ?
Je ne suis pas dans la concurrence du tout. Je suis le
premier a défendre toutes les structures , de la plus petite à la plus
importante. J’édite les livres ou le journal que j’aimerai avoir chez
moi.
- Parlons un peu thunes maintenant : combien coûte à produire un numéro de La Tranchée Racine et une monographie format 30X40 ? Sinon, en général, tu marges beaucoup avec tes livres ?
J’ai choisi de ne pas avoir de diffuseur pour éviter
d’avoir à le payer et, du coup, de vendre plus cher. J’ai choisi aussi
d’imprimer plus que les indépendants pour faire chuter le prix du livre.
C’est un choix de sueur car il faut ensuite vendre plus.
- Est-ce que United Dead Artists est une société viable financièrement ou est-elle soutenue par les fonds cachés de l’artiste Blanquet ?
Les ventes des livres payent les suivants. Voilà l’économie United Dead Artists !
- Concrètement tu vends davantage par Internet ou plutôt via le réseau des libraires ?
On vend beaucoup en librairie. Par vpc aussi.
- Avec la Tranchée Racine, journal au format XXL et au prix XXS, on voit que tu cherches à promouvoir au mieux la scène alternative, tout en restant paradoxalement dans le carcan indépendant : tu ne te verrais pas faire le même travail en intégrant une grosse maison pour diriger une collection à la manière de Trondheim chez Delcourt avec Shampooing ? As-tu déjà reçu des propositions allant dans ce sens ?
J’aime être libre de tout. Je tiens à n’avoir aucune
obligation ni contrainte et j’aime l’idée qu’une structure comme United Dead Artists fasse un vrai journal.
- En tant qu’éditeur, te verrais-tu partir en croisade comme Richard Millet chez Gallimard ? Quel serait ton combat ?
A vrai dire, je crois plus à la croisade de feu Hara kiri. Il y avait une rage de liberté absolue.
- La musique joue un rôle dans ta création et ton univers (le livre-disque avec Mami Chan, les pochettes des 2 albums de Non Stop) : est-ce que l’un de tes fantasmes ne serait pas de créer un United Dead Records ? Qui rêverais-tu de signer ?
C’est un projet secret.
- Pierre la Police a donné sa version du livre de cuisine avec Les demoiselles de Vienne chez Cornélius ? De quoi souhaiterais-tu le plus donner comme version United Dead Artists ? Un code de la route ? Un manuel de bricolage ? Un abécédaire pour enfants ?
Un autre projet secret avec les enfants est dans les marges.
- Pour l’exposition, des cartes Dead Pannini Club vont sortir, un hommage direct aux Crados ?
C’est une série carte infinie et indéfinie, une collection sans fin. En éditer peut être 1000.
- Quelles sont les prochaines sorties prévues chez UDA ?
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