Désolé mais je vais en remettre une couche avec Lucio Fulci en vous parlant de cette sorte de
Mon Giallo chez les Ploucos.
La Longue Nuit de l'Exorcisme date de 1972 mais n'est sorti chez nous qu'en 1978. Son titre français est une pure aberration et a dû être choisi uniquement pour surfer sur la vague de
L'Exorciste. On oubliera aussi une édition en VHS sous l'appelation
Fureur Meurtrière !
Son titre original,
Non si Sevizia un Paperino, que l'on traduira par "ne torturez pas le caneton" (si ! si ! c'est pour de vrai ! et le pire c'est que, en plus d'être poétiquement décalé, ce titre est tout à fait approprié au film), s'inscrit dans la tradition du titrage des giallos,
Quatres Mouches de Velours gris,
La Queue du Scorpion,
La Tarentule au Ventre Noir etc.
Pourtant, Fulci se démarque d'emblée de cette tradition en inscrivant son histoire à la campagne alors que le giallo a généralement pour cadre un milieu urbain ,ceci dit le réalisateur voulait tourner à Turin mais son producteur lui a imposé ce village du sud. De plus, les victimes ne sont pas des jeunes filles en fleur mais des gamins. Voilà, en deux mots pour les puristes ! Mais, en fait, le film est vraiment intéressant pour la vision désenchantée que le réalisateur porte sur la vie rurale du bled perdu de la Sicile où se déroule l'action, avec des personnages typiques comme l'idiot du village, la jeune effrontée (la charmante Barbara Bouchet), le commissaire qui ferme les yeux sur tout, le couple de sorciers qui vit à l'écart dans les montagnes et le curé bien aimant.
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Dans un style presque documentaire, Fulci, bien plus sobre qu'à l'accoutumée dans sa mise en scène ,installe une ambiance malsaine dans la description des moeurs de ce village replié sur lui-même où tout le monde devient suspect. Les villageois sont des culs bénis mais n'acceptent pas la différence. Il montre aussi assez habilement l'insurmontable décalage entre gens de la campagne et citadins, en ne prenant parti ni pour les uns ni pour les autres, conservant toujours un regard dès plus pessimiste sur le genre humain. J'ajouterai enfin, attention spoiler, que le film est une virulente charge anti-cléricale, avec la pédophilie comme thème sous-jacent mais bien présent.
Si les amateurs de gore n'auront pas leur dose d'hémoglobine, on ne voit effectivement pas grand chose des meurtres (des strangulations et des noyades, donc rien de bien excitant de toutes façons !),
La Longue Nuit de l'Exorcisme contient au moins 2 scènes cultes : la première est une scène explicitement pédophile (encore !) avec une femme pour coupable, la seconde est une sublime, je ne sais pas si c'est le bon terme, scène de lapidation, qui utilise merveilleusement la musique en contrepoint, où une femme se fait lyncher par 3 hommes avec de la variété s'échappant d'une radio en fond sonore, quand je vous dis que Tarantino n'est qu'un sucker !
Au final,
La Longue Nuit de l'Exorcisme est sûrement Le film de Fulci le plus "cinéphiliquement" crédible. Il faudrait d'ailleurs le faire voir à ceux qui pensent que Fulci n'est qu'un tâcheron du cinéma bis italien pour leur prouver qu'il vaut un peu plus que ça. Les fans les plus lucides, quant à eux, reconnaîtront à sa vision que Fulci a peut être gâché un peu de son talent de cinéaste en s'abandonnant trop facilement dans la débauche gore à partir de la fin des 70's.